2010 restera, en Occident, comme l’année de l’autruche.
En France, sur aucun sujet d’importance, aucun politique n’a pris de décision courageuse.
Ceux qui gouvernent n’ont pas commencé à réduire sérieusement la dette publique, et elle ne cesse d’augmenter. Ils n’ont rien fait non plus pour s’attaquer aux quatre problèmes principaux du pays, que sont l’aggravation des injustices, le déclin de l’école primaire, les difficultés de réinsertion des chômeurs et la faiblesse des PME.
Ceux qui, à gauche, aspirent à gouverner ne présentent pas un meilleur bilan : ils n’ont pas encore osé choisir leur candidat ni définir le programme qu’ils proposeront aux Français dans moins de 18 mois. Ils se voilent la face devant les difficultés qu’ils auraient à affronter s’ils l’emportaient.
Dans le reste de l’Occident, cela ne va guère mieux.
En Europe, les gouvernements ont imposé des plans d’austérité, refusant de voir qu’ils ne règlent rien et les conduisent dans le mur: la rigueur réduit la croissance et accroît le poids de la dette. Ils ont laissé le budget de l’Union sans moyens de compenser les inégalités régionales ni de financer les secteurs de croissance. Ils ont laissé la Banque centrale européenne créer de la monnaie en jurant qu’elle n’en fait rien. Parce qu’ils n’ont pas eu le courage d’expliquer aux peuples, beaucoup plus murs qu’ils ne le croient, qu’il faut se rassembler, mettre des moyens en commun, et se doter d’un vrai projet, donnant sens à l’action.
Aux Etats-Unis, la classe dirigeante n’a pas fait mieux en 2010 : elle a abandonné tout pouvoir aux banques, diminué les impôts sur les riches, laissé filer les déficits et créé de la monnaie à l’ infini.
Tout cela n’a pas en réalité d’autre objectif que de gagner quelques mois, quelques années peut-être, au prix d’une aggravation des difficultés, les rendant de moins en moins surmontables. En particulier, évidemment, pour les plus faibles.
Chacun espère en un hypothétique miracle ; chacun attend on ne sait quel sauveur. Il viendra peut être. Sous la forme d’une mutation technologique ou d’une guerre. Ou des deux. Après quelles souffrances!
Pendant ce temps, les pays émergents utilisent leur formidable croissance économique pour résoudre leurs propres contradictions.
La suite est écrite d’avance : en Occident, l’avalanche grossira ; elle deviendra bientôt incontrôlable et provoquera un sauve-qui-peut général, un chacun pour soi. Entrainant les pays du Sud, devenus fournisseurs du nord, dans la même spirale négative. En Europe, en particulier, cela conduira à des crises en chaîne, en commençant par l’Espagne, jusqu’a la rupture de l’euro, et au retour de tous les errements économiques et politiques du passé.
C’était donc l’année de l’autruche. En toute logique, si rien n’est fait, très vite, elle sera suivie, comme chaque fois, par l’année du rat, celle de toutes les violences.
Pour l’éviter, il faudrait beaucoup de courage et de vision: En France, en particulier, il faudrait tout de suite affronter les problèmes difficiles, même si on doit être provisoirement impopulaires. En Europe, il faudrait, avant qu’il ne soit trop tard, faire un saut vers le fédéralisme budgétaire. Aux Etats-Unis, il faudrait renforcer considérablement les moyens et les pouvoirs de l’Etat fédéral. Partout, il faudrait que le long terme l’emporte sur l’immédiat ; il faudrait ouvrir les yeux et regarder loin, dans l’obscurité : il faudrait que 2011 soit l’année du lynx.