Cette minuscule nation, parmi les moins peuplées du monde ( environ 700.000 habitants) coincée entre les deux pays les plus peuplés du monde ( l’Inde et la Chine) totalement isolé pendant des millénaires , dont l’avant-dernier monarque a, le premier, à la fin des années soixante dix , défini et mis en œuvre le concept de Bonheur National Brut( BNB), est-elle plus heureuse que les autres ?
Cet étrange pays ( une monarchie constitutionnelle, dont le précédent roi s’est retiré volontairement il y a peu a moins de 50 ans pour laisser le trône à son fils de 27 ans) est en apparence très arriéré : un système matriarcal, où la polygynie et la polyandrie sont légales, très peu de voitures, aucune marque dans les magasins , une seule chaine de télévision, et seulement depuis 1999, le téléphone mobile depuis 2003 ; et le tir à l’arc comme loisir national.
De plus, la société y est totalement mobilisée pour la préservation de ses valeurs : une religion unique, bouddhisme du grand véhicule, présente à chaque instant de la vie quotidienne, plus de 10.000 moines payés par l’Etat mais exclus toute décision politique (avec un chef, nommé par le roi et protocolairement son égal) ; une architecture et des règles d’urbanisation très rigoureuses préservant parfaitement un artisanat d’art religieux ; presque tout le monde portant presque tout le temps le costume national et parlant une langue proche du tibétain ancien, parmi 19 autres langues locales.
Et pourtant, ce pays réussit, (grâce en particulier à des richesses hydroélectriques considérables, dont des entreprises indiennes sont à la fois les premiers producteurs et les premiers consommateurs) à avoir un niveau de vie élevé pour la région ; la démocratie parlementaire y est vigilante ; la santé et l’éducation y sont gratuites à vie, même l’enseignement supérieur, très sélectif.
Plus encore, il mesure son bien être à des indices de BNB qui n’ont rien à voir avec leur réduction onusienne sous le nom d’Indice du Développement Humain : Au lieu d’un illusoire indice unique, les bhoutanais savent que le bonheur est multidimensionnel. Ils en distinguent neuf dimensions : bien-être psychologique, santé, éducation, usage du temps, diversité culturelle, gouvernance, vitalité de la vie démocratique, diversité écologique et niveau de vie. Par exemple, 60% du pays doit rester en foret ; et la lutte contre la corruption y est très sévère. De plus, les évolutions de ces indices font les titres des quelques journaux du pays, souvent fort critiques à l’égard du pouvoir.
Mais tout est loin d’y être parfait : D’abord, plusieurs de ces indices sont mesurés par sondages, avec les biais que cela implique. Ensuite, et beaucoup plus gravement, le pays à 90% rural il y a peu, s’urbanise très grandes vitesse, ce qui entraine inflation, chômage, et inégalités.
Il faut suivre de près l’évolution de ce pays. S’il réussit, lucidement, à préserver son identité, sans renoncer à la croissance matérielle, alors il faudra s’inspirer de sa facon de penser et de débattre politiquement de son développement. S’il échoue, alors, non seulement nous aurons perdu une des plus belles civilisations de l’histoire humaine, mais encore ce sera,( à l’image de l’asphyxie de l’oiseau dans la mine) , très mauvais signe. Encore une fois, tout cela ne dépend que de nous.