Il n’est pas qu’en matière financière que cette présidence de la France se caractérise par une agitation extrême, suivie d’une longue période d’inaction, justifiée en permanence par la soi-disant complexité de la situation, parachevée en fin de mandat par la redécouverte des problèmes du début et par une avalanche de discours sur l’urgence de faire quelque chose.
Cette méthode, qui a l’avantage pour le politique de multiplier les occasions de faire parler de lui, de rassembler des experts, de réunir des sommets, de visiter des expériences étrangères, n’a pas été appliquée que dans la gestion de la crise financière.
On trouve le même conservatisme frénétique en matière de sécurité, de santé, de politique de l’énergie, et, plus récemment, d’enseignement primaire.
Pourtant, chacun sait, depuis bien avant le début de ce quinquennat, que l’école primaire est le point faible essentiel de notre pays. Plusieurs rapports, français et étrangers, préparés avec beaucoup de soin, ont confirmé à maintes reprises ce diagnostic, et décrit les solutions qui s’imposent : donner plus de pouvoir aux directeurs d’école sur le recrutement des maitres, adapter les programmes au public spécifique de chaque école avec un encadrement personnalisé, des maitres mieux payés et travaillant plus longtemps en classe, donnant des cours particuliers à leurs élèves en difficulté. Et pourtant, on en est encore à mettre en oeuvre les réformes décidées après les émeutes de 2005, et on commence à peine à contractualiser des projets d’école, à portée plus statistique que pédagogique.
Plusieurs institutions internationales (dont l’OCDE, dans son classement quinquennal dit PISA) ont pourtant dénoncé le déclin de notre enseignement primaire, et montré que, à budget égal par élève, 17 pays font désormais mieux que le notre ; elles ont expliqué que, depuis de longues années, la Finlande est un modèle d’efficacité pédagogique et sociale. Pourtant, malgré ces faits, établis depuis longtemps et sans discussion, le ministre de l’éducation nationale français a cru bon de se rendre dans ce pays en ce beau mois d’août, pour annoncer à son retour que la France allait s’inspirer de ce modèle d’enseignement dès la rentrée… 2012!
A-t-il oublié que son camp est aux affaires depuis plus de dix ans ? N’a-t-il lu aucun rapport, n’a-t-il été informé d’aucun des résultats des programmes expérimentaux ? Ne sait-il pas que, avant la rentrée 2012, il y aura des élections présidentielles et que son rôle se réduira désormais, pour l’essentiel, à préparer le programme électoral de son candidat?
Rien n’est plus tragique que cette manière d’agir. C’est à se demander quel intérêt on peut trouver, humainement, à remplir cette belle mission de ministre, et en particulier de l’éducation nationale, si c’est pour passer son temps à retarder l’application de réformes essentielles, dont l’avenir du pays dépend, que tout le monde approuve depuis longtemps ? Est-ce seulement pour pouvoir se servir de telles idées pour bâtir un programme pour une campagne présidentielle?
Cela serait absurde, et d’aucune utilité : les électeurs se souviendront en effet (je l’espère en tout cas), que la frénésie de l’inaction ne saurait tenir lieu de bilan, et encore moins de programme.
Que cette rentrée soit vraiment, pour cette façon de faire de la politique, la dernière.