Pour organiser la relance de l’économie, mille théories s’affrontent, Pour les uns, il faut augmenter la valeur des actifs boursiers et immobiliers, pour que leurs propriétaires fassent des plus values et s’endettent. Pour d’autres, il faut augmenter les dépenses publiques. Pour d’autres enfin, il faut baisser les taux d’intérêt.
Quand ces trois moyens sont employés aux limites du possible, comme c’est le cas maintenant, certains parlent de créer à l’ infini de la monnaie et même de jeter des billets de banques par hélicoptère. Chacun assure que cela n’aura impact inflationniste en raison de la double pression de la mondialisation et du progrès technique.
Étrangement, personne n’évoque une façon beaucoup plus simple d’augmenter la demande, qui serait d’augmenter massivement les salaires. Ou au moins les revenus des plus pauvres. Après tout, les salaires par tête n’ont plus augmenté depuis longtemps aux Etats-Unis et très peu en Europe ; et beaucoup moins en tout cas que les profits. Mais chacun semble considérer comme un fait qu’une hausse massive des salaires augmenterait les couts, alors que, pour la raison dite plus haut, elle ne ferait que diminuer la rentabilité du capital et la rémunération des dirigeants. Et cela semble impossible, parce que s’est engagée une guerre mondiale pour attirer les investissements et les cadres, les uns et les autres de plus en plus mobiles.
De plus, dans ce monde précaire, toute augmentation globale des revenus viendra plutôt nourrir l’épargne de précaution et non la consommation.
Sans doute faut il alors se demander si, dans ce monde absurde, ou tout le monde veut consommer plus, sans véritablement oser cesser d’épargner, il ne faut pas mieux tenter de comprendre ce qui se cache derrière la consommation : Elle est avant tout un rapport a la mort.
Elle l’est évidemment pour la satisfaction des besoins premiers, la faim, la soif, le logement, qui protègent de la mort. Elle l’est aussi, mais tout autrement, une fois ces besoins couverts , comme c’est le cas pour une part significative de l’Occident en crise : En achetant un objet ou un service, chacun se rassure, inconsciemment, en pensant qu’il ne mourra pas avant d’avoir utilisé ce qu’il vient d’acquérir ; plus encore : contempler sa garde robe, sa bibliothèque, sa discothèque, conduit à penser, sans même se l’avouer, qu’on ne peut mourir avant d’avoir mis, lus, entendus, tous ses vêtements, tous ses livres, tous ces cd. Rien n’est plus rassurant que de regarder le temps cristallisé de sa vie à venir.
Au total, la peur de la mort est donc la source de tout désir. Désir d’épargner. Désir de consommer. Epargner, c’est s’assurer. Consommer c’est se rassurer.
L’équation infiniment complexe de nos sociétés, qui veulent entretenir leur mouvement, est alors d’entretenir le délicat équilibre entre l’assurance et la distraction, entre la couverture rationnelle du risque et sa conjuration fantasmatique. Plus nos sociétés prennent en charge le risque, plus elles laissent de l’espace à la distraction.
Si elles veulent entretenir leur dynamique, et sortir de leur langueur, nos sociétés doivent donc maintenir infiniment présente la réalité de la mort et organiser de façon crédible la couverture des risques que celle-ci implique. Pas étonnant qu’elles soient en crise : elles font tout le contraire.
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