L’identité, c’est comme l’amour : plus on le théorise, moins on sait ce que c’est. Et, en général, on en débat d’autant plus qu’on ne sait plus le vivre.
Une fois de plus, l’adage se vérifie : le gouvernement relance la discussion sur un sujet dont on ne discute en France qu’aux pires moments de notre histoire ; car parler de l’identité, ce n’est pas, en général, dire ce que nous sommes, mais faire la liste de ce que nous ne sommes pas, et de ce que nous voulons refuser de devenir ; c’est discuter de la meilleure façon d’exclure ; c’est demander des papiers d’identité ; et chasser ceux qui n’en ont pas . De plus, vouloir en faire un débat national juste avant les élections régionales, c’est pousser la gauche à le refuser, au nom d’une morale chatouilleuse, qui ne peut que lui nuire auprès des électeurs.
Pourtant, la gauche ferait une grave erreur en donnant ainsi le sentiment que la France ne l’intéresse pas, tout occupée qu’elle serait à défendre des valeurs universelles. Il faut donc, même si le moment est fort mal choisi, accepter ce débat ; et y expliquer très simplement comment l’identité française est définie et, peut etre surtout, ce qu’elle peut devenir.
Six éléments caractérisent l’identité d’un peuple, quel qu’il soit : un territoire, une langue, une culture, des valeurs, une histoire, un destin commun. Aucun de ces éléments n’est stable. Tous évoluent avec le temps. La France fut chrétienne ; elle est laïque. La France fut monarchiste ; elle est républicaine. Et aujourd’hui, toutes ces dimensions sont remises en cause par le mouvement du monde : l’effacement des frontières, en particulier en Europe, remettant en cause l’idée même d’un territoire identitaire ; le nomadisme croissant des Français comme des étrangers ; la présence croissante, sur le territoire national, d’autres langues, d’autres cultures, d’autres façons de vivre ; l’universalisation des valeurs, autour des droits de l’homme et de liberté individuelle, qui en fait disparaitre le caractère national; et, enfin, dans l’individualisme ambiant, l’incertitude quant à l’existence d’un destin commun .
De tout cela il résulte que, à terme, la seule chose qui définira durablement l’identité d’une nation, c’est sa langue, et la culture, la façon de penser le monde, qu’elle implique. La langue française conduit à penser, à écrire, à vivre, de façon claire, simple, directe, précise, logique, binaire. Elle trouve sa source dans l’harmonie des paysages et conduit à une symétrie des mots, à un équilibre des concepts, qu’on trouve déjà dans les textes des inventeurs de cette langue, de Rachi de Troyes à Blaise Pascal, de Chrétien de Troyes à Montaigne, de Marcel Proust à Léopold Senghor.
Une langue qui doit donc etre bien parlée et servir de véhicule de la pensée à tous ceux qui vivent en France ou se réclament d’elles. Une langue qui définit à elle-seule l’identité française ; à défendre, à ouvrir au monde, pour qu’elle s’en nourrisse : sait on que c’est la seule langue du monde dont le nombre de locuteurs peut tripler en 40 ans, grâce à l’évolution démographique de l’Afrique ? Et qui, s’y on n’y prend garde, peut disparaitre pendant la même période.
Une langue qui peut aussi, mieux qu’aucune autre, combattre les extrémismes, les fondamentalismes ; même quand ils s’expriment, en français, dans le meilleur style.