Le TGV, fleuron de l’ingénierie française qui transporte ses passagers à 300km/h, et peut atteindre les 574km/h. Signe de la vitalité française ? Du dynamisme européen ? Voire….Un rapide coup d’œil sur la grille horaire du TGV (et sur celles des avions de ligne) nous révèle trois choses.
Il est impossible de revenir à Paris après un dîner en province
Impossible de diner face à l’Eglise Saint-Thomas si l’on travaille le lendemain matin à la Défense, le dernier TGV reliant Strasbourg à Paris part à 20h20. La rosette ne sera pas non plus au menu puisqu’il faudra se rendre à la gare de Lyon-Perrache avant 21h. Ne rêvons même pas d’une bouillabaisse sur le vieux port ou de la joie de déguster un Saint-Julien sur place puisque les derniers TGV de Marseille et Bordeaux, à l’exception des dimanches, partent respectivement à 20h28 et 19h51.
Et tous ceux pour lesquels le retour est une nécessité, ceux dont la réunion à Bordeaux se termine plus tard que prévu et doivent impérativement rejoindre la capitale, ceux qui manquent le coche et qui ont fait garder leurs enfants jusqu’à minuit. Pour eux, un seul choix, le corail ou le train de nuit. Quatre à cinq fois plus long, ils vous déposeront à bon port, mais au prix de quel effort ! Car, en plus, il n y a pas de TGV permettant d’arriver avant 8h à Paris.
Il est impossible de revenir en Province après un diner à Paris
Mais Paris, ville lumière, ses centaines de restaurants, ses milliers de bars, est beaucoup plus active que les autres villes de France.
Mais pas mieux : Pour se rendre à Strasbourg, il faudra courir pour attraper le dernier TGV de 21h24. Pas de dessert ou de troisième acte non plus pour ceux qui rentrent sur Bordeaux ou Lyon, leurs trains sont respectivement à 21h35 et 21h54. Quant aux marseillais, ça ne leur sert pas à grande chose d’hésiter entre le train et l’avion, l’un part au plus tard à 21h16, l’autre à 21h10. Seuls les Lillois pourront digérer presque en paix grâce au TGV de 22h58.
Une France endormie dans une Europe dynamique ? Non, tout comme Paris, les autres capitales européennes se couchent tôt.
Il est impossible de diner dans une capitale européenne et rentrer à Paris
L’Union européenne, un espace commun, partagé par tous les citoyens. Bruxelles n’est plus qu’à 1h30 de Paris, Londres à 2h30. Pourtant, là encore, à l’exception de Bruxelles, capitale de l’Europe oblige, aucun de ces trains ne part vers Paris après 21h15. Le dernier Eurostar en partance de Londres pour la capitale française n’est qu’à 20h05. Quant au dernier Thalys pour Paris depuis Amsterdam, il est à 18h26 et, depuis Cologne, à 18h14 !
La vieille Europe n’en a pas que le nom
Comparée aux Etats-Unis, pourtant peu connu pour son maillage ferroviaire, le vieux continent a un train de retard. Un train relie New York à Washington toutes les heures jusqu’à 22h15. Le dernier avion du shuttle New York Washington quitte la Guardia à lui à 22h30. Sur la fameuse voie Washington-Baltimore, le dernier départ est à 23h35.
Le shikansen, le train à grande vitesse japonais, relie toutes les villes de la mégalopole qui va de Tokyo à l’ile de Kyushu, à presque n’importe quelle heure du jour ou de la nuit : les derniers Tokyo – Kyoto et Tokyo- Osaka sont respectivement à 23h57 et 23h19, les premiers trains sont aux alentours de trois heures du matin et non vers les 7 heures, comme en Europe.
Là où Paris, Amsterdam ou Bruxelles sont des villes endormies, New York et Tokyo sont des villes vibrantes, sans cesse en mouvement. Et quiconque connait le reste de l’Asie en dira plus encore.
Alors pourquoi ? Pourquoi pas de TGV (ni d’avion) après 21h ? Par ce que ce n’est pas rentable, vous répondra-t-on. Qu’en sait-t-on ? N’est ce pas typiquement un domaine où l’offre crée la demande ? Parce que les lois sociales nous protègent mieux que d’autres du travail de nuit ? Voire ! La vie culturelle, qui nous est si chère, est d’abord nocturne; le travail de nuit en est la condition. Et les transports de nuit sont la condition nécessaire de la présence des spectateurs aux concerts, au théâtre, au cinéma, dans les restaurants.
Pas question ici de faire l’apologie indifférenciée du travail de nuit, ou de celui du week end. Juste de constater une réalité : L’Amérique veille, l’Asie s’éveille, l’Europe s’assoupit.