Les primaires sont terminées. Les principaux candidats sont en lice. Certains n’iront pas au terme de la campagne. D’autres, peut-être, surgiront encore. Il n’empêche : on n’a pas encore parlé de l’essentiel. Il ne reste que quelques semaines pour que les candidats fassent connaître leur vision du monde, leurs perceptions des menaces qui guettent la France, leurs analyses des atouts du pays, et surtout les grandes lignes de ce qu’ils mettraient en œuvre, s’ils étaient, l’un ou l’autre, élu.
A l’heure où j’écris, presque rien de tout cela n’est disponible. Et pourtant, le monde dans lequel nous entrons n’appelle pas de demi-mesure ; les menaces de guerre sont aujourd’hui immenses ; le terrorisme rode autour de nous ; le spectre de la crise économique n’est pas écarté ; la laïcité n’est plus garantie ; les menaces sur notre environnement s’affirment chaque jour d’avantage. Les progrès de la science bouleversent métiers et modes de vie. En France, en particulier, la situation est fort inquiétante : plus de 20 % des jeunes sont au chômage ; la dette publique atteint 100 % du PIB ; le déficit extérieur est de plus de 8 % du PIB. Trois signes annonciateurs d’un déclin.
Face à tout cela, ceux des grands pays qui ne seront pas dirigés par des gens fermes, ayant une vision claire des réformes nécessaires et urgentes, seront balayés par l’Histoire. Le niveau de vie de leurs habitants s’effondrera ; leur influence dans le monde s’affaiblira.
Le moment est donc venu, en France, d’exiger des candidats à l’élection présidentielle qu’ils s’engagent clairement sur l’essentiel. Notre pays ne peut plus se contenter de petites phrases et de minuscules projets. Il a besoin d’une mise à niveau de l’action publique, digne de ce que font les autres grandes nations ; digne aussi ce que font, avec audace, clairvoyance et succès, dans notre pays, bien des entrepreneurs, des syndicalistes, des professeurs, des chercheurs, des médecins, des ouvriers, des commerçants, des paysans, des soldats et plus généralement tant d’autres entreprenants.
Il nous faut donc un président à la hauteur de nos talents. A la hauteur des talents de la France.
Ce président n’aura pas, et c’est une bonne chose, autant de pouvoir que ses prédécesseurs. Il sera largement dépendant de ce qui se passera dans le monde. Il aura cependant encore un rôle majeur : il devra fixer au pays une orientation, donner un sens à son avenir, lancer les réformes nécessaires, avec une majorité parlementaire et le soutien le plus large possible du pays.
Plusieurs dizaines de milliers de Français, rassemblés sous le nom de « France 2022 », ont élaboré, avec moi, pendant un an, un programme complet et cohérent, regroupant des réformes essentielles et urgentes que ni la droite ni la gauche n’ont osé jusqu’ici mettre en œuvre ou annoncer. Des réformes qui peuvent sauver la France et rendre à ses habitants emploi et prospérité.
Ce programme est réaliste. Sans entrer dans ses détails, ni exiger de chaque candidat en lice qu’il s’engage sur chacune des mesures qu’il contient, je jugerai, nous jugerons, les candidats sur leur capacité à vouloir proposer et mettre en œuvre douze propositions de ce programme, parmi celles qui influeraient le plus sur l’avenir du pays, et dont nous les invitons à venir débattre ouvertement devant tous les Français, pour que chacun se les approprie et, si nécessaire, les améliore..
Les voici :
1. Augmenter massivement les taux d’encadrement dans les écoles maternelles et primaires des quartiers, pour réussir l’intégration dans la République laïque et fraternelle.
2. Créer un revenu universel de formation pour ne laisser aucun chômeur sans formation de haut niveau et rémunérée, aucun jeune sans apprentissage concret et payé, aucun SDF sans offre de réinsertion ; et, pour que, en conséquence, chacun puisse se loger décemment.
3. Faire de la prévention en matière de santé et de respect de soi une priorité absolue, tant dans les régimes de Sécurité sociale qu’à l’école et au travail.
4. Egaliser les conditions de fin de carrière de tous ; en fusionnant les régimes de retraite et en faisant en sorte que le départ à la retraite soit le début d’une deuxième vie active, au service des siens et des autres.
5. Donner à l’armée, à la justice et à la police les moyens d’assurer la sécurité de tous. Le budget total de ces trois fonctions de souveraineté devra atteindre les 3 % du PIB en 2022.
6. Faire basculer vers le carbone l’assiette d’une partie de la fiscalité pesant aujourd’hui sur le travail ; pour faire de la protection des sols, des mers, des sous-sols, un enjeu national prioritaire.
7. Promouvoir fiscalement la création d’entreprises et d’entreprenants, et faire revenir en France les talents partis à l’étranger.
8. Réaffirmer les termes stricts de la laïcité, et l’appliquer à toutes les cultures qui font la France.
9. Ne pas laisser la dette publique dépasser 100 % du PIB et la faire décroître avant 2022.
10. En Europe, promouvoir la mise en place d’une police commune des frontières et d’une défense commune.
11. Faire de la francophonie une institution forte, capable en particulier de participer au développement et au maintien d’un Etat de droit dans les pays du Sahel.
12. Redonner du sens au long terme : en s’engageant à faire en sorte que le président de la République suivant, élu en 2022, le soit pour sept ans non renouvelables ; en réduisant de moitié le nombre de parlementaires ; et en remplaçant le Conseil économique et social par une Chambre des générations futures, chargée de faire entendre la voix des générations suivantes, avec des membres âgés de moins de 30 ans.
Tout cela peut paraître hors de portée. C’est en tout cas très loin des préoccupations de la plupart des acteurs du jeu politique français, et des comédies dérisoires jouées dans une démocratie moribonde. C’est pourtant l’essentiel, pour sortir le pays de la spirale du déclin où il est engagé. A nous, tous ensemble, d’exiger que ces propositions, très concrètes et très réalistes, soient prises au sérieux et que les candidats s’engagent à les mettre en œuvre rapidement après les élections présidentielle et législatives. Pour que la France devienne une société du plein et bon emploi. C’est possible. C’est nécessaire. C’est urgent.
Exigeons-le.
Edito paru dans Le Monde