… mais ils ne veulent pas le savoir.
La formation des chômeurs, la démocratisation de l’union Européenne et la construction de la francophonie ; tous les discours des dirigeants et des observateurs politiques expliquent doctement que la France est passée à droite et que l’idéologie libérale domine désormais le pays ; certains vont même jusqu’à affirmer que la gauche est définitivement morte. De fait, tous les sondages pour les prochaines élections le confirment : une immense majorité des électeurs se prépare à voter à droite, et même à l’extrême droite. En réalité, tout cela est une illusion : la France est, plus que jamais, idéologiquement à gauche. Et c’est en raison de la faillite de la gauche gouvernementale que les électeurs se réfugient à droite et chez des populistes, dont ils exigeront, une fois qu’ils leur auront confié le pouvoir, des solutions de gauche.
En effet, le pays affronte une crise profonde du sens et du réel, qui se manifeste par un discrédit des élites, une avidité croissante des plus riches, une précarité dramatique des plus pauvres, une inquiétude grandissante des classes moyennes, menacées dans leur niveau de vie et celui de leurs enfants ; et une insécurité générale.
Face à cette crise, les priorités et les revendications des Français sont clairement de gauche : elles portent sur l’emploi, la formation, la laïcité, l’égalité, la mobilité sociale, la lutte contre les injustices, la corruption, les passe-droits. Ils ne demandent pas moins de solidarité ; et s’ils réclament moins d’impôts, pour ceux qui en paient, ils ne veulent pas d’une réduction des services que ceux-ci financent. Qui plus est, la revendication de plus de sécurité et d’ordre n’est en rien spécifiquement de droite, puisqu’elle suppose un renforcement massif des moyens de l’Etat. Au total, dans la crise présente, que chacun sent durable, le réflexe des Français est, plus que jamais, de se tourner vers l’Etat, et non vers le marché ; comme le montrent, très récemment, les réactions à la situation d’Alstom, à celle des migrants à Calais, ou aux menaces terroristes.
La gauche à laquelle les Français aspirent n’a rien à voir avec le stalinisme, la bureaucratie ou le protectionnisme ; elle ne se confond en rien avec la « démocrature » hongroise ou la dictature de la Corée du Nord. Inspirée en particulier par les nouvelles technologies, qui façonnent les plus jeunes, elle se doit de promettre plus de partage, de collaboration, de gratuité, d’altruisme et de responsabilité à l’égard des générations futures. Et c’est bien aussi ce qu’on voit surgir partout ailleurs en Europe, dans toutes les forces motrices du renouveau politique.
Aussi, si les Français glissent aujourd’hui vers le populisme, porté par le Front national et certains dirigeants des « Républicains », c’est parce que la gauche s’est laissée impressionner par l’idéologie des marchés et qu’elle n’ose pas lui opposer celle de la démocratie ; c’est parce qu’elle prône et applique une politique libérale. La droite elle-même a compris que le marché ne saurait être la seule réponse, et que la nouvelle distinction est entre égoïsme et altruisme.
Il est encore temps pour la majorité actuelle d’oser être elle-même ; de proposer une analyse de gauche de la situation (trop de marché, pas assez de démocratie), une stratégie de gauche (fraternelle, moderne, ouverte, internationaliste, altruiste, dans l’intérêt du pays et en particulier des générations suivantes) et un programme de gauche. Il s’agit alors de mettre l’accent sur l’approfondissement de la lutte contre les précarités, le renforcement de l’école, la formation des chômeurs et la mobilisation générale du pays pour la défense de ses libertés et de ses valeurs, dont la fraternité et la laïcité sont les premiers fleurons.