La réaction des dirigeants politiques face au terrorisme confine parfois au pathétique, voire au ridicule.
Ainsi, interdire une manifestation sous prétexte qu’on n’est pas certain de pouvoir protéger ceux qui y assisteront est une décision absurde, motivée par la seule peur de voir sa responsabilité engagée.
A ce compte-là, il faudrait fermer, immédiatement et pour toujours, tous les cafés, tous les cinémas, tous les théâtres, toutes les salles de concerts, tous les stades, tous les restaurants. Et, plus généralement, tous les lieux publics qu’on n’aura jamais les moyens de surveiller totalement.
Et la réaction de l’opinion à cette attitude des hommes politiques est plus pathétique encore : au lieu de se révolter contre un renoncement qui l’infantilise, au lieu d’exiger d’être consulté, le public approuve lâchement, prenant ainsi acte que sa propre sécurité n’est pas son affaire, mais celle des élus, ce qui consacre son inexistence. La solution à la peur n’est jamais d’y céder.
C’est toujours de se donner les moyens de la rendre injustifiée. Pour cela, il est obligatoire d’affronter le danger, les yeux dans les yeux, en cherchant calme ment une manière appropriée de le réduire.
Par exemple, je suis convaincu qu’en mobilisant tous les acteurs de la Grande Braderie de Lille – commerçants, policiers, exposants, élus, visiteurs et habitants – on aurait pu trouver un consensus pour prendre le risque de la maintenir.
Un risque face à un danger qui, de toute façon, existera : très concrètement, qui empêchera un terroriste de faire un carnage dans un bus lillois le week-end où aurait dû avoir lieu la Braderie?
Cette annulation rejoint l’attitude absurde de la plupart des dirigeants politiques à l’égard du principe de précaution. Conçu, à juste titre, pour rendre impossible toute expérimentation pouvant avoir une conséquence irréversible sur la nature et sur l’homme, il est appliqué aujourd’hui à tort et à travers, pour interdire toute action qui engagerait la responsabilité, même mineure, d’un élu.
Vivre est risqué.
Seul être enfermé dans un tombeau ne l’est plus. Nous condamnons à mort notre société en obéissant à la peur. Elle nous conduira d’abord à la lâcheté, à la claustration, puis à la collaboration avec ceux qu’on devrait combattre. Aucun ennemi ne cède jamais face à quelqu’un qui a peur.
Tous ceux qui, un jour, se sont trouvés confrontés à une menace brutale, concrète, le savent bien. La peur est la principale alliée des dictatures, domestiques ou politiques. Apprendre à ne pas avoir peur n’est pas simple. Il faut, pour y parvenir, comprendre que la crainte conduit immanquablement à la matérialisation de ce qu’on redoute le plus, puis assumer sa peur, s’avouer qu’elle est naturelle. Et ne pas lui céder.
Ne pas avoir peur de la peur.
Ainsi, défendre la nature n’exige pas de la craindre, mais d’oser la comprendre. Protéger la société ne réclame pas de céder à ceux qui la combattent, mais de les affronter avec fermeté. Face à un péril, on a le choix entre la collaboration et la mobilisation générale. Entre la peur et la lucidité. Ne pas avoir peur de sa peur n’entraîne pas nécessairement l’adoption d’une attitude absurde.
Ce n’est pas foncer, sabre au clair, vers les mitrailleuses ennemies. C’est chercher les meilleurs moyens pour les rendre inopérantes. Par l’éducation, la force et l’éthique.
Et par l’usage audacieux de bien des mots que la peur interdit de prononcer.