Si on pouvait cesser d’employer les mots à tort et à travers, la démocratie s’en porterait bien mieux. Ainsi, le terrorisme devrait-il être défini comme la tentative d’influer sur le cours des choses, hors d’un état de guerre, par l’exercice de la violence contre des civils, connus ou anonymes ; alors qu’on désigne souvent sous ce nom des gens qui ne le sont pas ; en particulier, les résistants français, désignés comme « terroristes » par les nazis, ne l’étaient pas ; de même, ne le sont pas ceux qui s’opposent, par du vandalisme ou de l’obstruction, à une décision légale qu’ils estiment contraire à leurs intérêts ou à leur conception de l’intérêt général.
Je propose d’utiliser pour les désigner, faute de mieux, les mots de « subversion », et de « subversif » ; en distinguant la « subversion non violente », (qui ne s’affronte pas à des forces de l’ordre) comme les actions actuelles dans les musées, qui est acceptable, et la « subversion violente », (utilisée par ceux qui s’opposent aux forces de police et de gendarmerie) qui ne l’est pas.
Bien des réformes majeures, sinon presque toutes dans l’Histoire, dans de nombreux pays, sont passées par la subversion. De fait, par définition, toute réforme à venir est, par nature, illégale aujourd’hui. Et l’anticiper est par définition subversif. Ainsi du droit de grève, du mouvement de désobéissance civile de Thoreau, du mouvement féministe de Theresa Billington-Greig, de la légalisation de l’avortement et de l’homosexualité ; et tant d’autres combats ; dans tant de pays.
Dans une démocratie, où il existe mille façons de se faire entendre, on ne devrait pas avoir besoin de faire usage de la subversion ; ni pour protéger l’environnement ; ni pour défendre la laïcité, ni pour la combattre, ni pour aucune autre cause. On devrait se contenter de tenter ainsi d’obtenir gain de cause par un débat public raisonné. D’autant plus que la subversion violente est surtout le prétexte à des actes de vandalisme aveugle et d’agression systématique des forces de l’ordre.
Cependant, dans bien des pays, même démocratiques, et même en France, on peut comprendre que, pour certains, certaines lois en vigueur, et certaines actions de l’autorité publique, sont contraires à l’intérêt à long terme de l’humanité ; on peut comprendre la colère de jeunes contre le ravage légal de leur avenir par des vieux ; en particulier, je comprends ceux qui, en France, s’opposent de façon illégale à la construction de réservoirs d’eau à partir de nappes souterraines, (et non, ce qui eut été un moindre mal, à partir d’eaux usées) ; parce que ces réservoirs vont détourner des réserves naturelles rares pour le bénéfice de quelques-uns, qui vont s’en servir pour produire du maïs, dont la quasi-totalité ira à la production d’animaux de boucherie, eux-mêmes grands émetteurs de gaz à effet de serre : même si c’est prématuré, on reconnaitra un jour que la culture du maïs pour produire en masse des cochons, des vaches et des poulets est une aberration.
Bien d’autres situations d’aujourd’hui justifient cette colère.
D’abord en France, où on gaspille nos trop rares productions alimentaires et nappes d’eau souterraines au lieu de recycler les déchets et de réutiliser les eaux usées ; où notre modèle alimentaire, qui fut un des plus sains du monde, devient un désastre : gaspillage, poisons (sucres artificiels, viandes, fastfood, etc.) et réduction du temps des repas ; ou bien de nos industries, en particulier celles de la mobilité, restent affreusement polluantes ; où nos énergies durables, (nucléaires et renouvelables) sont dans un état désastreux .
Et bien plus encore hors de France : car, en termes d’émissions de CO2, la France n’est que 19ème mondial, avec 0, 93% des émissions globales et les problèmes écologiques sont d’abord aux Etats-Unis, puis en Chine, puis en Inde ; demain, ils seront au Nigéria. C’est dans ces pays, surtout, qu’il faudrait être subversif et je comprends donc ceux qui, désespérés de ne pas réussir légalement à obtenir gain de cause, passent par ces voies. Mais pas ceux qui, dans nos démocraties, basculent dans la violence. Elle n’est jamais acceptable.
Comme il existe un PeaceCorps, Greenpeace et d’autres, il faudrait qu’existe un Greencorps mondial, dont la mission serait d’alerter à temps sur toutes les violations, même couvertes par des lois locales, des grands principes de survie de l’humanité ; avec l’intérêt général en vue ; et pas, comme le font certains, en se contentant d’attaquer tel ou tel pays développé pour servir les intérêts d’un autre.
C’est évidemment très difficile, sinon impossible, en raison des rapports de force géopolitiques. Ce ne serait pourtant que l’amorce de ce qui serait nécessaire : il faudrait en arriver un jour à ce que certains patrimoines essentiels à l’avenir de l’humanité, (tels les océans et leurs si délicats équilibres, la biodiversité, les forêts amazoniennes et africaines, certaines sources d’énergie et de matières premières) échappent aux caprices des industriels et des dirigeants de passage.
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Image à la Une : En 1908, à la une du Petit Journal de l’époque, Hubertine Auclert entourée de militantes féministes vide l’urne d’un bureau de vote à Paris.