Pendant quinze ans, il était chic, si on voulait être différent, d’être écologiste, de manger bio, de se préoccuper de la nature.
Pour beaucoup de ces gens-là, ce fut et c’est encore un combat sincère ; et on peut les remercier d’avoir ouvert la voie à tous ceux qui aujourd’hui reconnaissent enfin la gravité de ces alarmes et l’importance de changer radicalement de comportement, individuel et collectif, pour que notre planète puisse survivre.
Pour certains d’entre eux ce n’était, et ce n’est encore qu’une mode, sans relation avec leurs propres comportements ; une mode de riches, certains de s’en tirer, même si le monde va mal comme ils l’annoncent, et ayant déjà cherché refuge, pour la plus part d’entre eux, dans des paradis climatiques ou fiscaux, donnant des leçons à tout le monde sans rien faire eux même de concret pour améliorer le sort des générations futures ; souvent au nom d’un savoir scientifique tiré de vieux diplômes et de quelques lectures sommaires, soigneusement rassemblées dans des sites spécialisées dans la publication de mauvaises nouvelles, souvent malheureusement aussi fausses que l’étaient les bonnes avant eux.
Pour d’autres enfin, écologistes extrémistes, c’est devenu une attitude totalitaire, affirmant que tout est perdu, que l’humanité va disparaître, et que la seule chose qu’on puisse faire est d’accélérer sa disparition en ne faisant plus d’enfant et en ne soignant plus les personnes âgées ; et autres folies.
Aujourd’hui, on trouve le même spectre de comportement à l’autre bout de l’échelle de pensée, chez les anti-écologistes.
Il y a ceux qui disent sérieusement qu’il faut raison garder, qu’il ne faut pas désespérer, que rien n’est perdu si on investit massivement dans les économies d’énergie et dans les nouvelles technologies permettant de ne plus dépenser d’énergie, en modifiant nos comportements alimentaires, sociaux, culturels, en réduisant la folie d’un nomadisme suicidaire, sans pour autant verser dans un catastrophisme désespérant.
Il y a aussi ceux pour qui la critique de l’écologie est une nouvelle mode de riches, certains, eux aussi, de s’en tirer si le monde va mal. Ayant déjà cherché refuge, eux aussi, pour la plupart dans des paradis climatiques ou fiscaux, donnant des leçons à tout le monde sans rien faire eux-mêmes de concret pour améliorer le sort des générations futures.
Enfin, il y a ceux qui assènent péremptoirement que l’écologie n’est qu’une nouvelle forme de dictature dont il faudrait se garder, se moquant de tous ceux qui tentent, à leur façon, d’alerter sur les dangers du monde.
Si les écolos mondains étaient souvent ridicules et désespérants, c’est encore pire avec les anti-écolos mondains, qui, au nom d’un savoir scientifique tiré de vieux diplômes et de quelques lectures sommaires, soigneusement rassemblées dans des sites spécialisés dans la publication de bonnes nouvelles, souvent malheureusement aussi fausses que ne l’étaient les mauvaises.
Le monde va très mal. Si on ne fait rien, en 2050, il sera invivable pour au moins deux à trois milliards d’individus, dont ne feront pas partie les anti-écolos mondains d’aujourd’hui. Nous ne pouvons pas nous y résigner. Il nous faut changer de comportement, de politique, de société, de système. Et si cela signifie, en particulier, ne pas manger quoi que ce soit de frais qui ne soit pas produit en saison et à moins de quelques centaines de kilomètres de chez soi, ce n’est pas grave : personne ne mourra de se priver d’huîtres ou de homards, s’il est trop loin des côtes.
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