La question du travail du dimanche, saugrenue dans la plupart des pays du monde, se pose aujourd’hui en France avec rage. Presque partout en effet, il est autorisé, au moins pour le petit commerce en zone touristique, et de plus en plus pour d’autres professions, malgré les Eglises et les syndicats. Seule en Europe, l’Autriche l’interdit absolument. En France, même si des millions de gens (salariés ou patrons, fonctionnaires ou commerçants) sont déjà autorisés, (ou tenus), de travailler ce jour-là, d’autres, innombrables, en sont privés, (ou protégés).
Pour se faire un avis, sur ce sujet comme sur tout autre, il ne faut pas se contenter d’écouter ceux qui crient le plus fort, mais chercher à comprendre l’intérêt de toutes les parties prenantes : salariés, chômeurs, consommateurs, actionnaires, citoyens, parents et enfants, qui représentent les générations futures. On se rend compte alors que rares sont ceux qui n’y ont pas intérêt.
Les travailleurs, salariés ou patrons, y sont de plus en plus favorables. D’abord parce qu’ils travaillent de plus en plus le dimanche, sans être payés, sur internet ou autrement. Et ils souhaiteraient le faire en étant rémunérés, préférant augmenter leur pouvoir d’achat, qui a diminué avec la crise, que leur temps libre, qui a augmenté avec les 35 heures. Les chômeurs, en particulier, y sont favorables, parce que le travail le dimanche est un facteur de croissance et de création d’emplois. De fait, les syndicats, qui y sont hostiles, ne s’intéressent par nature qu’à ceux qui veulent travailler moins et pas à ceux qui veulent travailler plus ; et encore moins aux chômeurs. Comme on le verra bientôt avec la négociation, vouée à l’échec, sur la réforme de la formation professionnelle.
Les consommateurs veulent évidemment, eux aussi, voir les magasins ouverts le dimanche. Et plus généralement tous les services qui ne le sont pas encore. De même, les actionnaires y ont évidemment intérêt. Et c’est aussi le cas de la communauté nationale, qui a intérêt à tout ce qui peut aider à son développement. Ne serait-ce que le tourisme, grand secteur d’avenir, qui dépend très largement de ce qui est ouvert le dimanche.
Et les familles ? Elles sont en principe contre. Et on peut rêver à ce principe, commun à bien des cultures, qui voudrait qu’une journée par semaine soit consacrée à la réflexion, au repos et au silence. Notre temps, en accélérant tout, ne rend pas ce principe inapplicable ; il exige seulement qu’il soit plus flexible. Le dimanche n’est plus le jour du seigneur ; il est le jour du sport, des déjeuners en famille et de la distraction. Et la visite dans un magasin est un élément de la distraction. On peut le regretter, mais c’est ainsi. Et tout cela peut se faire un autre jour que le dimanche, par exemple le mercredi, propice au temps partagé avec les enfants.
Quant aux générations suivantes, elles ont évidemment intérêt à ce qu’on s’occupe d’elles ; et elles doivent pour cela exiger le droit d’une journée hebdomadaire en famille. Mais, là encore, pas nécessairement le dimanche. De plus, il est de leur intérêt que la croissance soit la plus forte possible, pour réduire le poids de la dette qu’ils auront à financer ; et le travail le dimanche y contribue.
Alors, au total, il faut libérer totalement le travail du dimanche ; dans tous les métiers ; sans limite ; pas seulement le petit commerce. Pas seulement en zone touristique : nous entrons dans une société où chacun doit gagner la liberté de choisir ses moments de travail et de liberté.
Bien sûr, cela doit rester une liberté ; non une obligation. Aucun employeur ne doit pouvoir menacer de licencier un employé qui ne voudrait pas travailler le dimanche. Et inversement, un employé qui voudrait travailler le dimanche doit pouvoir être indemnisé si son patron le lui refuse, sous le contrôle des juges.
Tout problème doit être ainsi évalué de façon globale et non pas en fonction de l’intérêt direct des parties les plus directement impliquées. Si on reprenait ainsi tous les enjeux de société, bien des révolutions s’imposeraient.