Les prochaines élections régionales semblent jouées d’avance : la gauche, dit-on, va conserver la majorité dans toutes régions qu’elle dirige, sauf une qui ira à un dissident, et elle va même gagner les deux qui lui échappent encore. En réalité, tout cela n’est que virtuel et rien n’est plus dangereux, pour la démocratie que ce sentiment de fait accompli : les électeurs sont souverains ; ils n’ont pas encore voté ; ni au premier ni au second tour ; bien des surprises sont possibles ; et tous, à droite comme à gauche ont tort, me semble-t-il, de commenter ces élections comme si elles avaient déjà eu lieu.
Dans l’état actuel de la France, les Français doivent encore réfléchir avant de voter, et s’exprimer en tenant compte, de deux fausses évidences, de deux vérités cachées et d’un double danger :
D’abord, ils devront prendre conscience, que ces élections ne visent pas à juger du bilan d’un président de la république à mi-mandat, mais à élire pour quatre ans des responsables de régions, dont les responsabilités n’ont rien à voir avec celle du gouvernement et d’un président. Un vote sanction n’aurait donc aucun sens. De plus, on ne doit pas attendre d’un président de région la même chose qu’on attend d’un président de la république ; et chacun peut , le jour venu, voter pour un président de la république de droite et un président de région de gauche. Ou inversement.
Ensuite, les Français devront se persuader que, même si ce sont des élections locales, elles ont une importance politique spécifique : les régions ont d’énormes moyens d’action économique, culturelle, écologique et sociale, et sont bien plus influentes que l’Etat, dans bien des domaines. Et même si leur capacité à lever l’impôt est très limitée, leur action peut être très différente selon l’orientation politique de ceux qui les dirige.
Les électeurs devront aussi tenir compte de deux vérités cachées : D’abord, l’Etat n’est plus un lieu de pouvoir et se défait, parce qu’il est en faillite, parce qu’il se démembre en d’innombrables agences et commissariats, parce que les ministres passent leur temps à se contredire, parce qu’entre une décision et une action il y a le temps de mille contre ordres. Alors que les régions, pas encore engluées dans l’inévitable bureaucratisation des grandes organisations, sont devenues les acteurs principaux du principal dossier qui intéresse aujourd’hui les français : l’emploi.
Enfin, les Français devront dimanche prochain écarter un double danger : celui de l’abstention et celui des extrêmes : dans la confusion actuelle, tout tend en effet à leur donner le sentiment que tout est déjà joué, que nul ne peut rien sur rien, que régions et Etat sont également impuissants, que les programmes des divers partis de gouvernements sont indiscernables et qu’ils s’échangent idées et personnel politiques. Le risque est alors grand, plus qu’on ne le croit, de voir les Français s’abstenir ou voter pour les extrêmes.
Ceux qui ne veulent pas de cela devront donc cette semaine chercher à mieux connaitre les compétences des autorités régionales (elles en ont) et les programmes des candidats (s’ils en ont), en particulier en matière d’emploi, qui sera le thème lancinant des années à venir ; et en déduire comment voter, pour le meilleur de leur région. Et seulement d’elle.